…et que tu ne liras pas.
Tu vois, ce qui me manque de toi, ce sont les couleurs dont tu pares le monde. Les temps où nous avons partagé nos cœurs et unis nos doigts sur les sentiers, nos corps et nos âmes dans les eaux des cascades et rivières.
Ces matins où je me sentais si bien dans tes bras, ce sourire qui naissait sur ton visage quand tu voyais le mien en ouvrant tes yeux. Ces regards que j’ai appris à échanger sans crainte.
Nos moments intimes où nous avions mélangé nos corps (quand nous ne les échangions pas !) et lié nos âmes. Cette transcendance et ce lien… qui me faisaient ressentir ta présence même à des distances incroyables.
Tu vois, aujourd’hui encore et à la veille de Samhain, mes premières pensées au réveil sont encore pour toi… tout comme celles, fugaces, en journée : « oh ! Comme il fait beau ! Et si nous allions à la mer ? » ; « cette fleur est magnifique ! J’en ferais bien une photo pour la lui partager ! » ; « comme ces préparatifs pour ma première vraie exposition me stressent ! Mais comme cela augure du bon aussi… et combien j’aurais aimé que tu m’accompagnes… ».
Puis les heures défilent et la réalité me rattrape. Souvent avec une dureté adamantine. Les énergies se dissipent peu à peu et je reviens à moi… seule.
Et je me suis laissée sortir de mon axe. « Pas de compromis » : ce choix aurait dû empêcher notre union. Je l’ai appliqué dès le départ au sujet des relations libres et selon tes propres mots, deux ans plus tard « tu ne l’as pas digéré ». Mais c’est là l’essence même de l’engagement ! Envers soi-même et tu t’es trahi. Et moi aussi, car j’ai senti ton besoin immense que cette harmonisation soit respectée. Ce que j’ai fait (sans le dire) et en me reniant au plus profond de moi. Je me souviens de cette voix intérieure « tout ça pour ça ? J’étais devenue libre, j’avais tant déconstruit… bah, au moins ce sera simple ». La mort dans l’âme.
Puis il y a eu une lune de miel, avant que la question de la vie commune ne s’invite… et là j’ai trahi la promesse faite à ma fille de ne pas quitter mon village. Il a fallu une bartholinite carabinée suivie du KO d’un covid pour que je me laisse entraîner pour de bon.
« Mais Maman, j’avais dit Ici, Là ou Ailleurs, pourquoi on part à Encore-Plus-Loin ? »
Ma merveille a l’art des questions pertinentes.
Parce que j’ai cru que tu savais mieux que moi ce qui était bon pour nous. Alors je t’ai suivi dans une maison inaccessible physiquement, inadaptée à nos besoins (pourtant identifiés, écrits ensemble !) et je n’ai pas écouté cette petite voix intérieure qui me susurrait « la vie sous le même toit signera la fin de la relation ». Je lui ai répondu « gratitude à son âme de m’avoir choisie pour vivre cette expérience ». Et je reconnais mon péché d’orgueil.
Un an après je te pleure. Alors que tes coups de boutoirs pour « ouvrir la relation » m’ont éreintée. Que je me suis sentie niée au-delà de ce que je me sentais exister, reléguée au seul état de corps physique à pénétrer puis quitter pour y revenir dans les parfums d’autres, d’autres mieux que moi, forcément. Parce que sinon, pourquoi aller les voir ?
Je pleure mes leurres, mon épuisement, le rejet que j’ai pris de plein fouet, la charge immense de fatigue et la non écoute de mes besoins fondamentaux : calme et repos, lenteur et silence, solitude. Marches à deux, et moments tendres dans la Nature, juste toi et moi.
Je pleure mes illusions et ma naïveté. Toi, toi mon si beau reflet qui marchait sur la pointe des pieds, la joie débordante de ton coeur ! Tu ne pouvais pas me mentir. En m’ayant dit « de toute façon il faut recommencer à chaque fois, alors ce sera avec toi [que je bâtirai ce couple qui me permettra de vivre l’expérience que je veux vivre, à travers laquelle je veux me réaliser] » tu ne pouvais pas partir…
J’ai eu plein de messages, mon intuition qui me disait la fin de notre relation et je n’ai rien voulu entendre ! L’attachement a pris le dessus, mes blessures ont saigné de toutes parts, béantes.
Et tu as fini en m’infligeant la pire des punitions (selon tes propres vécus et blessures) : l’ignorance.
Ce que tu m’as offert d’une main (l’écoute, l’empathie, la proximité et la disponibilité) tu l’as repris de l’autre. Et je me suis retrouvée ghostée, au profit de « ce très beau cadeau » rencontré en festival. Tu m’as jeté à la face l’amour tout neuf que tu avais déjà trouvé, faisant table rase de toutes nos promesses et constructions. De l’amour qui brillait encore dans mes yeux, émotion devenue inutile puis encombrante.
Tu m’as balancé en guise de reproches qu’il était impossible de conclure un contrat avec moi. Mais as-tu seulement en tête tous ceux que tu as rompu unilatéralement avec moi ? (Vie commune de un an et demi ramenée à… 5 mois ! Pour ne citer que la plus violente après celle de devenir mon compagnon de vie et de t’y tenir.)
J’ai projeté tellement d’illusions. J’ai vécu seule une relation. Et je pleure et regrette seule encore la perte de ces années où j’avais la dernière chance de recréer un foyer et d’avoir de nouveaux enfants.
Alors maintenant j’ai du temps. Pour évacuer, pleurer encore et reconstruire mon estime de moi (ce que tu as le plus défoncé en fait). De retrouver mes valeurs. De prendre soin de moi et de poser ces limites si nécessaires ! Pour les ériger en règles infranchissables et me préserver.
Je profite seule du démarrage de ma vie d’artiste… et je rêve de toi – bien malgré moi !
Punition ultime pour avoir rencontré l’incarnation de mon jumeau non né.
Puissions-nous être heureux loin l’un de l’autre.