Fragment 7

Elle se méfiait des spirales. Motif incroyable aux ouvertures maîtrisées, elles n’en restaient pas moins dangereuses, qu’on les prenne du centre vers l’extérieur ou inversement. Elle savait combien ces expériences pouvaient se montrer pernicieuses, tant à cause de leur régularité que de leur redondance. Elle pensait parfois faire un pas suffisant pour en sortir et s’apercevait qu’elle n’avait fait que sauter quelques cercles, pour en rejoindre un plus grand. A sa grande terreur, elle comprenait alors qu’encore une fois ses décisions et efforts n’aboutissaient pas. L’effet dévastateur ne se faisait pas attendre face à un tel constat et elle épuisait ses forces à résister, surmonter, oublier… Prendre de la distance n’était qu’un des moyens à employer pour faire cesser les effets, mais elle n’avait pas identifié ceux à lui adjoindre pour réussir. Comme un tout-petit, elle faisait des tests, des expérimentations. Les attitudes d’adulte avaient échouées, elle ne voyait pas d’autres recours.
La pression sociale, le statut, ses projets en cours l’empêchaient de dire haut et fort combien elle pouvait en souffrir et de s’éloigner. Seul le repli sur soi lui permettait de passer les caps. Elle se laissait parasiter et s’envolait dans ses pensées, seul refuge fragile et éphémère. Le seul qui était indestructible, illimité, rassérénant. Mais qui n’évitait en rien la douleur.
Le pire était l’érosion de sa personnalité, une destruction à petit feu, qui la rongeait, lui faisait perdre pied et – le plus dur – perdre tout espoir en son prochain. Son empathie devenait alors totale, elle se retrouvait ouverte à tous les vents, incapable de maintenir ses filtres relevés même a minima. Les couleurs devenaient si vives qu’elles pouvaient l’aveugler, les infimes variations de températures pouvaient la ramener à revivre ses cauchemars, un son, un rire, un mot ou une phrase la blessaient jusqu’à lui faire monter les larmes aux yeux.
Rien de neuf sous le soleil. Des millions d’êtres avaient vécu la chose, d’autres la vivraient ensuite et chacun aurait sur lui, en lui cette tâche, ce dégoût chevillé au corps. Revivre l’humiliation encore et encore ne permettait en rien d’en apprivoiser les effets ni d’en atténuer les suites. Mais au moins les stigmates corporels finissaient-ils par s’amenuiser. Ainsi en était-il.

Les répétitions étaient sournoises. Elles apparaissaient soudain, sorties de nulle part, ou au contraire se fendaient de prémisses, de signes annonciateurs qui émaillaient le quotidien. Impossible de les rater, et si dur de s’y soustraire. Destin aux desseins de fatalité. Spirale au dessin si élégant pourtant…

Le trois fois trois s’appliquait implacablement. Les explications pseudo-mystiques n’étaient d’aucune aide, laissant comme seul arrière-goût amer la sensation d’être condamnée à être une victime, ni porte de sortie ni bouée de secours, juste un moyen de plus de s’enfoncer dans un marasme déjà bien établi.
Et ce motif se répétait pour tout et tous. Il suffisait d’être attentif aux signaux. Lire la carte. S’en remettre à soi-même. Se faire confiance, aveuglément, même si on était déjà au trente sixième dessous. La ressource viendrait. L’appel à l’aide devait avoir lieu. Ouvrir les yeux. Tout simplement. Et attendre.

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