Récit d’un fabuleux voyage au tambour.
J’étais dans une prairie, sous un arbre, pleine de tristesse alors je l’ai enlacé. Ce magnifique poirier, tout noueux, dont le tronc est si grand que je ne peux en faire le tour de mes bras. J’ai collé ma joue contre son écorce, posé mes pied nus sur ses grosses racines qui affleurent la terre et j’ai lâché. Il m’a murmuré de faire le tour et là, j’ai vu l’escalier dans son tronc. En l’empruntant il s’est transmué, devenant comme blanc translucide. Le feuillage est devenu évanescent et je l’ai traversé sans même le sentir. Sous mes voûtes plantaires tout était très doux, à peine perceptible. Je me suis sentie légère et appelée à monter là-haut, vers les nuages.Arrivée à leur hauteur, ils formaient comme un tapis floconneux solide et moelleux, et de gros cumulus blancs étaient posés tout le long, formant comme un sentier invitant à le parcourir. J’ai avancé et derrière certains j’ai vu des têtes immenses bouger… Des yeux me regardaient, des pattes avant, posées nonchalamment, indiquaient des dragons allongés chacun dans une niche intime. Des… Des dragons !!! Quelle joie ! Quel privilège et quel honneur ! Des dragons ! Dans l’une des niches, sur ma droite, il y avait ce couple de « petits » dragons blancs. Des dragons des nuages ! Leurs écailles soyeuses, leurs grands yeux, tout m’attirait. C’est en totale confiance que je me suis approchée d’eux et qu’ils m’ont acceptée. Après un temps en présence l’un des deux m’a invitée à prendre place à la base de son cou. Je suis montée à califourchon et ils ont immédiatement démarré. Leur envol a été puissant et ils se sont éloignés, surplombant la Terre depuis des hauteurs qui m’étaient inimaginables !
Leur vol était fait de jeux, ils enchaînaient les loopings, heureux de s’entrelacer et de se frôler dans une danse facétieuse, me communiquant leurs sourires face à mes craintes – qui s’effacèrent aussitôt.
Nous avons été à la rencontre d’un dragon des tempêtes. Il s’ébattait dans les éclairs d’un orage déchaîné. En nous apercevant il a quitté l’ombre des nuages noirs et lourds, dévoilant des couleurs absolument somptueuses !!! Ses bleus très foncés miroitaient, parcourus de très fines zébrures d’or et d’orange… Mais ce dragon-là, aussi impressionnant et majestueux fut-il, n’était rien face à celui auquel il nous mena. A quelques battements d’ailes il y avait un énorme cratère fumant. Un volcan en activité, nimbé de fumerolles et entouré des nuages ténébreux. Tout autour il y avait de l’eau, ça ressemblait à l’Etna avec un contour différent, plus de mer autour… Il était comme au cœur de la tempête. J’en avais le souffle coupé, et ce n’était encore rien… Subitement, une coulée de lave accompagnée de gros bouillons arriva. Du cratère se mirent à jaillir des pierres enflammées, des jets de lave et… La tête, le cou et le haut du corps de son habitant. Ses rouges, ses carmins, ses vermillons semblaient se fondre avec les nuances de la lave.Quand à ses ailes, elles avaient le bout noir d’un magma figé – ainsi que son aspect rocailleux et pourtant très doux malgré ses lacérations et découpes.
Il nous a vu et a craché dans notre direction. Il était tellement plus grand que les petits dragons blancs qui me portaient ! Et celui de la tempête ne s’en approchait pas, conservant une grande distance. Alors le dragon de feu a jailli tout entier et il est venu sinuer autour de nous. Le petit blanc qui ne me portait pas s’est mis en vol stationnaire au-dessus de moi, me protégeant de son corps, tandis que les deux géants nous tournaient autour et semblaient mimer un combat, réalisant une danse complexe aux motifs insaisissables mais qui générait une énergie considérable. Les deux petits blancs s’en moquaient, s’amusant d’être pris dans la tourmente puis de s’en extraire en quelques battements, se glissant grâce à leur petite taille et leur rapidité dans les courants générés par leurs « grands frères » et s’en jouant.Il ne fallut que quelques battements de cœur pour nous retrouver au-dessus de la mer ou d’un océan. L’étendue d’eau m’était impressionnante mais je n’aurai su dire. Peu importe, les deux dragons ont joué à sa surface, s’amusant de fendre les eaux et de faire clapoter les vagues contre les écailles de leurs ventres. Puis ils ont remonté avant de fondre en piqué dans la masse d’eau. Je n’ai même pas pris de respiration : c’était parfaitement inutile, évidemment… Le calme, la sérénité après les feux et le vent… Cette masse, cette matière qu’est l’eau : que c’était bon ! Ni chaude, ni froide, juste à nous entourer et nous faire comme un cocon glissant et protecteur. Nous nous mouvions sans problème. Nous avons été sur de longues distances, jusqu’à croiser une baleine. C’est une Grand Mère, une Vénérable. Je l’ai reconnue (je l’ai déjà rencontrée lors d’un précédent voyage). Elle aussi. Nous avons souri de ces retrouvailles et les dragons ont fait le tour d’elle deux fois, toujours jouant et pétillant de joie. Elle semblait apprécier que nous prenions la mesure de sa taille. Car elle était bien plus grande que ma monture ! Nous sommes repartis en direction d’un pôle, toujours dans l’eau. Nous sommes ressortis et restés proches de la surface une fois les premiers icebergs croisés. Nous avons aperçu des morses, posés là tranquillement. Et en-dessous de nous des orques étaient là : tout une famille ! Quelques uns ont fait des bonds hors de l’eau pour nous saluer.Les dragons des glaces semblaient figés dans la matière. Pourtant, pris là dans les immenses blocs blancs et bleus translucides, nous les avons vus se mouvoir avec une lenteur incroyable. Leurs évolutions saluaient notre venue. Ils nous accueillaient, faisant parfois craquer la glace en la frôlant de trop près. De longues fentes se formaient alors. Ils ont une énergie si particulière… Après des survols amusés, nous sommes repartis. Cette fois-ci, mes compagnons de voyage ont recommencé à se tourner autour et dessiner des spirales très rapides. Nous avons vu des dragons des vents, aux flancs gris, agiles et véloces, s’amuser avec nous et réaliser quelques circonvolutions tandis que le couple blanc continuait de former ses spirales ascendantes, tourbillonnant avec une grâce élégante, sans que jamais leurs ailes ne s’emmêlent. Ils démontraient ainsi une complicité et une grande maîtrise résultant de milliers d’heures passées en vol ensemble. Leur joie allait croissante, comme nourrie de leurs acrobaties aériennes. Nous sommes montés encore et encore, jusqu’à atteindre presque la Lune. Je me suis retournée pour voir la Terre, notre planète, entourée de gigantesques dragons. Leurs écailles reflètent les étoiles autant qu’elles en contiennent. C’est un spectacle absolument incroyable et d’une beauté que je ne saurai restituer avec des mots. Je ne saurai pas non plus le dessiner tellement c’est bluffant. Ils sont là, protecteurs, générant des champs d’énergie de dingues ! Et emplis d’un Amour… Ils nous aiment, ils aiment notre planète et ils veillent sur elle comme sur leurs œufs : avec une volonté et une jalousie incommensurables.Nous sommes allés plus loin encore, sans que jamais je n’ai la peur du retour. Les petits dragons s’amusaient comme des fous de me montrer le macrocosme. Ils lisent les constellations comme des cartes, ils en comprennent les moindres détails… C’est fou.Le retour a été fulgurant : les petits dragons blancs se sont littéralement jetés entre la masse gigantesque de deux dragons Gardiens, comme dans le chas d’une aiguille. Et nous sommes redescendus, arrivant dans un désert. Les dunes de sable brûlant ont eu tôt fait de se mettre en mouvement, révélant des dragons minces et longs, sans cesse en mouvement, faisant crisser les grains de sable et s’amusant parfois à jaillir pour en faire pleuvoir sur nous. Là encore, il y a eu comme une course/danse entre les petits blancs et ces dragons d’ocre et d’or. Leurs longues moustaches leur donnaient un aspect un peu chinois, c’était amusant et surprenant à la fois.Je n’ai eu que le temps de me demander s’il existait des dragons violets pour me retrouver à glisser – toujours sur le dos du petit blanc – à toute vitesse dans le boyau d’une mine. J’y ai croisé un dragon de Terre, un Seigneur d’Améthyste. Le bout de ses écailles est d’un violet étincelant, tandis que plus près de son corps les marrons sont presque noirs par endroits, et rouges comme les terres argileuses d’Afrique. Ce qui m’a le plus marqué c’est son regard. Ce dragon-là est d’une taille que l’on parvient mal à se représenter. Et il est vif, capable de provoquer un tremblement de terre simplement en s’ébrouant. Ce pouvoir il le connait et il en rayonne. Sa fierté est forte. Nous avons quitté la mine et j’ai été ramenée dans les nuages. Là, j’ai vécu un moment d’une tendresse incroyable, ma tête lovée contre la joue de ma monture. Nous avons communié dans l’amour le plus total. Puis il a été temps pour moi de partir et comme je refusai, le petit dragon blanc s’est amusé à tracer une croix dans son sol nuageux du bout de la griffe et un trou s’est formé. Il m’a entourée de sa patte avec amusement et tendresse et m’a poussée. Je suis tombée, longtemps. J’ai atterris dans une forêt verdoyante et fournie, en écartant les bras comme pour faire un vol plané et un écureuil volant s’est laissé porter en même temps que moi, parcourant la même distance en me fixant de son œil amusé. Nous avons posé nos pieds et pattes dans l’herbe, là juste devant… Ma tente ! Celle dans laquelle ma fille et moi avions campé une année sur les bords du cratère de cet ancien volcan devenu un lac. L’écureuil m’a fait un clin d’œil et m’a montré le paquet de bonbons au miel dans lequel nous sommes allés piocher ! (Et oui, ceci nous est bien arrivé : un écureuil gourmand avait attaqué un paquet de bonbons un matin, alors que le jour se levait à peine le crissement du plastique m’avait réveillée et je l’avais vu filer.)
A un moment, dans l’exploration précédente avec les dragons mais sans que je sache la replacer exactement, les dragons et moi sommes devenus tout petits et nous avons tourbillonné autour de mon corps. Puis sommes devenus encore plus petits et nous sommes entrés dedans. Le microcosme ! Celui de mon corps !! Nous avons parcouru mes veines comme autant de toboggans, nous nous sommes amusés à relier mes organes (en partant du cœur) en laissant comme un long fil blanc entre tous dans notre sillage, nous avons été voir tous les espaces malades ou en souffrance et il y a eu comme une guérison, un soin micro-ciblé pour chacun, tout en conservant un équilibre incroyable avec la totalité du corps. C’était magnifique. J’ai parcouru mon propre corps, mes tissus, mes cellules et tout a été littéralement baigné d’amour, recousu, recalibré, nettoyé, guéri… Je ne sais comment le dire. Mais j’ai vécu quelque chose d’incroyable et de tellement fort qu’en te l’écrivant j’en ai des frissons partout. Et je ressens presque de nouveau les chemins empruntés !Nous sommes ressortis (comme nous sommes entrés : par mon vagin) et nous avons continué à tisser des entrelacs de fil blanc tout autour de moi. J’étais emmaillotée de ces lacets d’amour pulsant, géante prise dans une gangue bienvenue et je me suis contemplée ainsi, heureuse, rayonnant d’une forme de plénitude avant que mes deux guides ne nous amènent ailleurs en deux battements d’ailes puissants.Ce qu’ils m’ont aussi montré, après ça mais je ne sais pas quand, c’est que tous les êtres de notre Planète sont reliés. Là, au milieu de la forêt, chacun de leur cœur s’est illuminé d’un point blanc, ils ont tous pulsé et le trait blanc nous a tous réunis ! Ce maillage ! Cette beauté… J’en suis encore bouleversée – le « savoir » c’est une chose, mais le voir, si seulement je pouvais partager cette image avec toi telle qu’elle m’est apparue…
J’ai également visité le noyau de la Terre et plusieurs de ses couches, mais sans la guidance des deux blancs.(Un peu après l’épisode de l’écureuil je crois, mais sans pouvoir situer la transition.) J’ai pu observer tout à loisir le couple magnétique qui dessine continuellement une spirale qui évoque un yin yang, là juste au cœur de notre Planète. Leur conscience, c’est fou ! L’effleurer, juste ça, mais quel honneur !!! Leur taille est sans équivalent, ils ne sont pas soumis aux mêmes lois que nous… Ils font écho aux Gardiens cosmiques mais ils sont seuls et complétude tout à la fois. C’est intransmissible… Puis d’autres, comme de gigantesques vers, sont également en rotation dans les différentes couches terrestres. Et ils n’en sortent pas, ils sont conscients de leurs rôles. J’ai pu traverser les différentes strates, les apercevoir et aller jusqu’à ceux qui sont juste sous nos pieds (et j’en connais certains – oh ! très peu évidemment – mais tu ne peux imaginer comme je me sens honorée de ces rencontres. Et le vivre ainsi… Mais quel cadeau !).
Retour dans la forêt. […] Puis qu’il a été question de repartir, ce qui s’est fait sans peine puisque sur le sentier – et alors que la nuit commençait à tomber – l’entrée d’une grotte s’est dessinée. Je l’ai empruntée et suis arrivée directement sur la colline de départ. J’ai descendu le sentier, baigné mes pieds et suis allée jusqu’au poirier. Mais tout le long, dans les abords des bois il y avait du mouvement. Des dragons, plein de joyeux dragons ! Ces Seigneurs se sont invités et il y en a un qui habite le poirier. D’autres jouent dans les herbes hautes et en levant la tête il y a désormais… Des nuages d’un blanc floconneux dans mon joli ciel habituellement d’un bleu intense et totalement dégagé ! Et sous ces cumulus, deux fins dragons blancs ont esquissé un ballet faits d’entrelacs délicats, dessinant une dentelle fine… J’ai souri, le cœur rayonnant de joie et d’amour et là, descendant d’une branche située au-dessus de ma tête, la tête d’un dragon vert pendu à l’envers !