Initialement publié le 29 janvier 2013 sur le blog de la Savonnerie Minervoise
Partons déterminer quels sont les fameux critères permettant d’évaluer la qualité d’un savon…
1. Pour vous clients, les trois facteurs primordiaux (lors du premier choix) :
– La présentation : premier contact visuel avec le produit. De la sobriété à l’exubérance, chacun a ses critères et ils sont difficilement discutables. Notons tout de même que les arrêtes trop saillantes, les angles et – pour beaucoup d’entre vous – les couleurs trop flashys sont des freins. Et l’emballage renforce ce ressenti dans un sens ou l’autre ;
– L’odeur : à ceux qui sentent un savon et ont un mouvement de recul, je souris. Et j’explique : « les odeurs sont culturelles. Pour certains ce parfum est très attirant et rappelle des souvenirs, à vous il évoque des choses désagréables« . A l’inverse, on peut totalement « craquer » pour une senteur ;
– Le prix : j’en ai assez parlé.
2. Pour nous, fabricants :
– l’équilibre de la formule :
Certains calculateurs sont d’accord sur un ensemble de critères, je vais donc les reprendre (inutile de réinventer la roue).
Hardness ou dureté : ce facteur est traître. De prime abord on s’imagine que le savon va être plus ou moins « mou » au toucher mais en réalité, il y a bien d’autres subtilités. Ainsi non seulement le toucher du savon sec est en effet affecté, mais également lorsqu’il est mouillé. La sensation diffère sensiblement. On aura ainsi tendance à utiliser plus de produit quand le savon est plus mou et il s’usera plus vite. Le ressenti est aussi très variable et la sensation de la mousse sur la peau (qu’il y ai des bulles et/ou de la crème ou pas) change du tout au tout.
Décryptage : les gras « durs » (appelés beurres car solides à température ambiante) ont généralement un pouvoir détersif plus important que ceux liquides (appelés huiles car liquides à température ambiante). Et ce sont eux qui apportent la dureté au savon.
Cleasing ou pouvoir nettoyant/détersif : ici, c’est la joie des savonniers ayant la maîtrise de leurs bases. Nous avons toute liberté de choisir un assemblage de gras et nous pouvons ajuster ce critère en variant le taux de surgras et sa composition. Nous décidons donc de composer des savons très doux, qui enlèveront moins du film hydro-lipidique ou au contraire des savons plus agressifs (mais qui abîmeront bien moins vos mains qu’un savon non surgras quand même !). Ils correspondent à des usages différents.
Décryptage : chaque gras a un pouvoir détersif plus ou moins grand quand il est transformé en savon. Nous sommes donc capables de formuler un savon à la douceur maximale pour vos visages, bébés, mains… Et d’autres capables d’enlever bien des tâches et substances pour vos maris bricoleurs, jardiniers (ou même menuisiers et garagistes).
Condition ou pouvoir hydratant : terme en réalité difficile à traduire et à rendre en français avec toutes ses nuances. Un savon n’hydrate pas en tant que tel : il respecte (plus ou moins) le film hydro lipidique. Mais ce n’est ni une crème de jour, ni un baume.
Décryptage : le surgras allié à un pouvoir détersif correctement ajusté permet d’éviter la sensation de tiraillements après usage du savon. C’est le propre des savons par saponification à froid.
Bubbly ou bulles : ah les bulles ! Pour l’utilisateur, c’est le « signal » qu’il a mis assez de produit pour se laver. Pourtant, c’est à la fois vrai… Et pas. Certaines recettes moussent peu, d’autres énormément. Cela dépend des gras retenus mais aussi des additifs. L’argile aide à une meilleure « tenue » de la mousse, le sucre offre des bulles plus grosses, le sel les amoindrit…
Décryptage : les bulles sont un indicateur mais pas le seul. Elles peuvent être qualifiées de denses ou d’aériennes, elle peuvent être petites, moyennes ou grosses, nombreuses ou non. Dans tous les cas, elles participent du plaisir que nous avons à « jouer » avec le savon entre nos mains.
Creamy ou ou pouvoir moussant : la crème est la seconde composante de la mousse du savon. De quasi inexistante à très importante, elle joue un rôle important dans la « charge » du produit, comme les bulles. Elle peut être très fine comme très dense, légère ou plus lourde, soyeuse, persistante ou non… Là encore, sa quasi absence n’est pas le signe d’un savon de mauvaise composition mais de gras qui en produisent peu.
Décryptage : la mousse d’un savon se compose à la fois de la crème et des bulles. C’est cet ensemble qui donne un « toucher » particulier au savon, allié à son grain. Cette texture est importante car c’est un repère très particulier qui détermine la relation que l’on aura avec le produit.
Iodine, INS et sat/insat : termes techniques qui racontent au savonnier quelle sera la « vie » supposée du savon. Ils permettent d’avoir une première estimation de la dureté, vitesse de fonte et du rancissement. Ils résultent de calculs prenant en compte les précédents points détaillés ci-dessus mais ces facteurs sont systématiquement à vérifier.
– la présentation, le parfum et le prix : ces aspects sont également pris en compte. Ils interviennent dans la personnalité du savon. Mais ce qui intéresse le savonnier, c’est la qualité de la base, laquelle répond à des standards assez précis. Les parfums et couleurs sont souvent des variations (mais pas toujours).
– la durée de la cure, puis le temps de sèche supplémentaire que vous allouez au produit. Les savons par saponification à froid aiment à vieillir, ce temps modifie parfois considérablement les critères.
Comme pour tout, c’est l’expérience qui primera largement au-delà des calculs. Ainsi, j’adore des compositions comprenant plus de 90% d’huile d’avocat, de chanvre et de tamanu. Mais il faut attendre une bonne année avant qu’ils n’offrent une « vraie » personnalité et que la mousse s’exprime correctement. De même, un bon Castille (100% olive) nécessitera une cure impressionnante (en terme de temps) avant d’offrir un contact satisfaisant et quelques – vraies – bulles. Mais ensuite, quelle récompense…!
Je salue au passage deux Reines de la savonnerie dont les compositions me font rêver : La Princesse au petit pois et Akimiti. Et bien sûr le blog collectif de Potions et Chaudron.