Revenir ponctuellement et trouver de petites attentions, croiser l’initiateur du lieu (coucou @Pongo !) et s’en retourner, le cœur débordant d’Amour.
Merci !!! <3
Elle avançait, fourbue. Un pied devant l’autre, tête baissée et bras le long du corps. Elle n’attendait plus rien, ne cherchait même pas à relever son regard. Peu importait où elle se rendait ; elle s’était rendue. Dépassée par les événements, encore et toujours en décalage, en sachant qu’elle était là où elle devait être mais sans l’accepter pour autant.
Elle se sentait aussi peu maîtresse de sa vie qu’une brindille emportée par un torrent. Elle remâchait son dépit et vivait l’instant présent en cherchant à saisir tout le kaléidoscope des couleurs, en savourant chaque sensation, en humant l’air, lapant l’eau et écoutant de toutes ses oreilles.
Son âme à vif quêtait une ouverture, un moyen de reprendre la main sur une destinée qu’elle jugeait bien pauvre. Elle renonçait. A de petits éléments qui lui tenaient à cœur, s’imaginait qu’une ascèse stricte lui permettrait de retrouver le fil de cette vie qu’elle voyait filer sans bien en saisir le moindre sens.
Et elle s’en voulait. De tout, de rien, de ces moments où elle aurait voulu pouvoir dire qu’elle gérait la situation alors qu’elle lui échappait totalement.
Au quotidien elle se sentait heureuse, pourvu qu’elle ne regarde pas l’ensemble du tableau. Alors elle s’oubliait, laissant s’écouler heures et jours sans y penser. Elle voyait les marques du temps affecter son corps, mais ses pensées étaient loin, très loin.
Elle buvait la coupe amère d’une leçon de vie.
Une de plus, une de celles qui nous font tellement grandir, qu’on regarde ensuite avec une affection profonde. Oh oui ! Elle savait bien que lutter ne servirait qu’à disperser ses quelques forces. A perdre temps et énergie. Alors elle lâchait, sans vraiment se distraire pour autant. Elle savourait par anticipation ce dénouement qui lui ferait dire que la patience est reine. Qu’elle permet des exploits fous, que l’opiniâtreté bien placée soulevait des montagnes. Elle se berçait de mots, sans qu’aucun ne parvienne à soigner son cœur à vif.
Elle s’en voulait et de là, propageait ces drôles de pensées. Certes, dès qu’elle prenait conscience de son attitude elle s’en mortifiait et s’arrêtait pour respirer. Elle remerciait ses amis et proches, conscients de ses troubles et bien présents pour la soutenir. Alors elle culpabilisait de ne savoir progresser seule, de retomber dans le stéréotype, d’incarner l’archétype de la damoiselle en souffrance, frêle, à laquelle tendre la main était nécessaire. Elle enrageait de ne pas réussir à rebondir assez vite à ses yeux. D’être ce qu’elle était. Cet état dont si peu étaient au courant, cette affection qui la limitait tant dans la société actuelle alors qu’elle était si précieuse, si utile par ailleurs !
Elle se laissait gouverner par ses rêveries, seuls instants où elle recouvrait son calme, son espoir et un sentiment de liberté.
Entravée, fatiguée et au beau milieu de l’hiver.
Évidences !
Elle refusait ce choix pourtant. Abandonner, ne même plus espérer. Ne plus y songer. Faire son deuil.
Face à ceux et celles qui semblaient impressionnés par sa façon de traverser la vie, elle se croyait incarner un imposteur. Elle voyait ses faiblesses, ses manquements, ses doutes et ses peurs. Limitée, ligotée par cet ailleurs, ce choix, cette ténacité qu’elle pouvait démontrer sur tant d’autres sujets lui faisait cruellement défaut. Douleur face à un non-choix, sentiment de révolte car elle ressentait comme une obligation à mener les choses à bien, tâches qu’elle se savait être outillée pour faire aboutir mais refus net et non négociable. Sentiment de tromperie, d’avoir encore une fois reçue une pensée pour une brique. Immobilité. Fixité. Négation du mouvement, du rythme, de ces nombreux interlocuteurs du quotidien.
Silence.
Perception des lignes de forces en vision macro. A sentir si intensément les changements qui se profilaient, à se sentir prête et pourtant à ne savoir par où commencer. Attente dans cette électricité qui sous tend l’arrivée… De la neige, des grands vents, des changements puissants qui font vaciller les plus gros rochers sur leur base. Alors elle, avec sa version poids-plume et ses réactions irréfléchies, inattendues et particulièrement éthérées, elle s’attendait à être ballottée en tous sens. A prendre l’orage de plein fouet et elle se sentait démunie.
Elle savait que se cacher, mettre la tête sous l’oreiller ne lui serait d’aucun secours. Et qu’elle n’avait aucune marge de manœuvre actuellement. Alors elle se résignait, humait l’air et ne pouvait que constater : les effluves étaient de plus en plus prégnantes. D’infimes notes si rares qu’en faire mention provoquait le rire hier, aujourd’hui elle ne comprenait pas comment le commun des mortels ne pouvait en être conscient. Elle s’interrogeait, faisait état de ses doutes et nombre d’échos lui revenaient. Elle n’était pas folle. Ni même presciente, elle faisait juste preuve d’agilité intellectuelle. A croiser et recroiser les sources, à accepter le devenir. A discerner les grandes lignes tout en sachant que sa vision ne pouvait être que distordue. Mais que sa petite lorgnette plus donnait déjà de sacrées sueurs froides. La faisait pleurer. Lui apportait aussi quelques sourires, quand les lignes se déployaient si loin qu’elle n’avait plus que des cheveux blancs. Étranges éclaircies, mâtinées de sentiments si indescriptibles au profane. Solitude immense. Et autodérision face à ce qui lui semblait être une mauvaise farce, un tour bon pour l’envoyer consulter un psy et se faire confiner dans un « ailleurs » loin de tout. Angoisse de basculer, de blesser autrui. Rires – avec de petites traces d’hystérie – quand elle croisait virtuellement les traces de ceux et celles qui ressentaient / pressentaient ce devenir. Parce que face à ce qui nous attend – et qu’est-ce que ça arrive vite ! – nous ne sommes rien.
Humilité.
L’écriture est passion, nécessité, évolution. Non pas tour à tour mais d’un bloc. Elle nous prend sur le vif, sans se laisser apprivoiser ni adoucir. Et se perd dès lors qu’elle n’est pas fixée. Question d’inspiration ou mémoire de poisson rouge, qu’importe. La rédaction a ce côté magique, nous fait vivre ces moments incroyables dès qu’on lui laisse temps et espace pour se développer.
Inversement il arrive que l’encre sèche dans le stylo. Que mille mots posés ne fassent plus sens (merci les joies du référencement aléatoire et des résultats de recherches improbables). Que persévérance n’y puisse rien. Il y a des heures, des jours voire des semaines où malgré une hygiène impeccable, un rythme soutenu et une grosse envie, rien ne sort vraiment. Entendons-nous bien : la « page blanche » n’existe pas. N’importe quels mots peuvent être posés. Grattés, répétés à l’envi. Tout texte préexistant peut être repris, réécrit, biffé et raturé, rien de satisfaisant ne vient. Alors quelle que soit sa couleur, son taux d’occupation, ses lignes, la page reste vide… de sens.
Le seul juge, avant publication, est l’auteur. Son degré d’exigence constitue l’aune primaire. Dans cette configuration, effectivement, il est seul maître à bord et peut expérimenter des passages à vide douloureux. La frustration s’installe, tourne en boucle, décourage… Et même quand au cœur de cette tempête émotionnelle surgissent quelques lambeaux un minimum à la hauteur de l’attendu, il est rare qu’ils soient conservés. Trop chargés. Leurs vibrations ne résonnent qu’entre elles, sans réussir à s’accorder à de plus vastes morceaux. Nécessaire maturation, mais Ô combien difficile à expliquer.
Tel est le calvaire que rencontre parfois l’auteur.
Que dire du rédacteur ? Sa production – obligatoire – fait l’objet de filtres, est jugée par un ou des tiers avant parution. Cette densité est maîtresse en bien des points. Période d’apprentissage pour l’écrivant, aspirant auteur. Nombre d’enchaînements et de bribes seraient passés à la trappe, auraient été écrits et réécrits sans forcément aboutir. Et pourtant… Les tiers veillent. Si leurs besoins priment, reste que leur niveau d’exigence est parfois corsé. Avec le recul, la relecture surprend. Bien des éléments subsistent peu enthousiasmants pour le rédacteur, mais au fil des lignes qui défilent des paragraphes prennent une autre coloration. Dans ces amas de « pisse-copie » on a tôt fait d’oublier ce qui est paru. C’est alors amusant de lire un vieux texte et de le trouver sympa, au point de se dire « tiens, j’aimerais bien écrire comme ça de temps en temps [parce que c’est plus léger, tonique, drôle… et mille autres raisons] » et de s’apercevoir qu’on en est l’auteur !
Le rédacteur n’a pas le luxe du doute. C’est à la fois assez effrayant et très libérateur. L’ego est malmené – les corrections d’épreuves peuvent se révéler être de vraies épreuves (ok elle est facile mais si vraie) – les choix ne nous appartiennent plus. Mais la récompense reste d’écrire tous les jours. Oui, tous les jours. Même « juste quelques lignes ». Cette production de masse est un terrain d’expérimentations, un lieu où s’essayer et tenter quelques galops d’essais. Quand la plume se délie, que les termes s’enchaînent et que les images se laissent capturer, quelle joie ! Et cela se ressent, les tiers soulignant leurs observations.
L’écriture est matière, vivante et animée. Elle demande, quelle que soit la position que l’on occupe et la part de liberté que l’on a, d’avoir confiance. Alors elle se laisse apprivoiser, dompter et caresser.
Récompense d’un travail ardu. Parce que si tout le monde sait (ou croit savoir) écrire, reste que pour ceux et celles qui en ont fait leur quotidien les remises en question sont fréquentes et bien souvent vécues de manière solitaire. De l’importance d’échanger – même virtuellement – et de savoir prendre du recul.
Cet article, resté un brouillon pendant plus de dix mois, est toujours aussi actuel.
[Edit : un immense merci à Laure – correctrice professionnelle et rédactrice de l’excellent blog Et si je vous prenais par les sentiments ? – pour avoir gentiment corrigé les nombreuses coquilles qui émaillaient ce texte !]
Elle s’était laissée bercer. D’illusions, d’envies, par son ego. Tiraillée par les projections des autres, ligotée à des désirs qui ne lui appartenaient pas. Elle avançait, entravée et à bout de souffle.
Elle avait échoué. Là où elle savait appartenir, retrouver les siens, découvrir ses frères et sœurs d’âme, ces êtres aux émotions claires et hautes, à la densité plus forte que tous ces errants croisés au quotidien. Elle avait respiré, chanté, dansé et s’était montrée telle qu’elle était.
Émergence. Renaissance. Ressourcement.
Elle avait échangé, espéré, prié, demandé. Et pris soin d’elle pour mieux s’occuper des autres. Elle avait trouvé puis perdu le fil. Trié ses émotions. Mis au clair ses aspirations, demandé et avait reçu. Immédiatement, les signes étaient venus, forts et tangibles. Son rendez-vous avec le Destin était pris et avait lieu à l’instant. Sans négociation, sans renoncement, sans contrepartie. Elle avait remercié.
Elle avait accepté. Écouté, compatis, aidé et s’était sentie vivante et légitime. Rayonnante. Tout était beau, la chaleur, la poussière, la pluie et les frimas. Tout, même les tensions, tout lui avait paru avoir les couleurs de la Vie.
Elle avait médité, partagé et discuté de ces amis que l’on laisse (temporairement) en chemin car ils doivent avancer d’eux-même. Et lâché prise. Elle cherchait, elle trouvait et bénis soient ces répits !
En équilibre sur une note, elle avait entendu ses proches la rejoindre et s’accorder sur la partition. Elle n’avait rien formulé, la spontanéité avait émergé, là… Comme ça. Comme les histoires de Roal. Elle était heureuse, avait conservé au fond de son cœur cet élan pour s’en nourrir et y revenir puiser, se rappeler de la Source toujours présente. Elle aimait. Infiniment, totalement et absolument.
Le retour doux à l’autre réalité, la traversée des Voiles avait été une Transition amenant ses questions, mais elle l’avait accepté comme à l’aller il y avait eu ces indices, ces altérations du temps, ce tempo ralenti qui attendait l’accord avec patience. C’était juste. C’était.
Les temps avaient coulé. Avec leurs fluctuations, leurs tempos dissonants, leurs brutalités. Et le cortège de ses rêves-cauchemars qui s’incarnaient dans d’autres chairs, marquaient d’autres âmes. Impuissance, débordement d’incompréhension et totale compassion.
Restaient ces instants d’éternité, si précieux, volés à d’autres tâches si évidemment indispensables et impérieuses.
Drôle de vacance. Son esprit acceptait, son corps suivait comme il le pouvait, accélérant encore la transformation, impactant d’autant les modifications que lui-même réclamait. Écoute.
Le temps… Le temps n’existe pas, de toutes façons il s’évertuait à la fuir, alors elle avait choisi de l’ignorer. Il apposerait son sceau sur elle, témoignant de son insignifiance au regard des montagnes, des mondes et des étoiles. Elle acceptait avec humilité, car c’était ainsi. Et remerciait encore.
Elle attendait. Suspendue dans cet espace où rien ne bouge et tout évolue, oxymore qui provoquait tant de détachement en elle.
Elle l’attendait, elle les attendaient. Ils attendaient. Cœurs ouverts et prêts.
Incarnations.