[23 : La Quête. Sur le Seuil.]

Elle se réveilla subitement, avant même le petit jour.
Parti, il était parti. Tout contact coupé, seule restait la solitude. Complète, intégrale.
Devant elle la route toujours, sinueuse, arborée, véritable invitation au périple et à la confiance aveugle tant les tours et détours ne laissaient rien entrevoir. Le cœur ouvert, saignant que tout ce qu’elle avait laissé derrière elle pour accomplir sa transformation, elle referma ses yeux et se lova un peu plus sous les couvertures. Le vide était total autour d’elle, même son familier s’était éloigné depuis quelques jours et ne répondait plus à l’Appel. Les vents tourbillonnaient, le froid s’insinuait partout et elle gelait, y compris dans son âme. Quelque chose cristallisait malgré elle.
Elle se tourna vers son étincelle de Lumière, cette Merveille qu’elle avait mise au monde et laissée aux bons soins de son précédent compagnon, perdu lui-même depuis bien longtemps sur d’autres sentiers qu’il avait choisi d’explorer. Son Amour la réchauffa un peu et elle se secoua pour reprendre son cheminement. De rencontres éblouissantes en écoutes douces et bienveillantes, elle voyait se tisser la toile d’un soutien inébranlable et inconditionnel du Masculin. Ses incarnations avaient chacune leurs facettes étincelantes, leurs énergies diffuses et maîtrisées, leurs attentes fraternelles et elle savourait leurs regards, apurés de tout désir. Elle se savait à quelques pas de la reconstruction. Ce long processus, ces moments où elle devrait prendre son cœur entre ses mains pour en retirer chacune des épines. Certaines étaient plantées depuis si longtemps qu’il faudrait rouvrir les cicatrices et laisser suppurer avant de pouvoir guérir. Le simple fait d’y penser lui serrait la gorge et des larmes engorgeaient ses yeux. Mais pour qu’elle puisse à son tour rayonner, pour qu’elle puisse encore avancer, il n’y avait plus d’autres solutions.
Elle avait balayé tout autour d’elle. Il lui fallait maintenant entrer dans l’hiver et parcourir ses ombres. Accepter de se regarder avec franchise, tailler dans ses présupposés, se remettre en question à tous les niveaux.
Seule.

Son attachement, son lien si fort avec cet autre à peine croisé, venait d’être tranché. Et pas par elle. Elle en était meurtrie, son ego se rebiffait, son mental lui jouait toutes les scènes et son imagination ne lui épargnait rien. Elle se concentrait sur sa respiration, cherchait le temps mort où l’inspiration du rituel lui permettrait d’entamer le deuil de cette relation, de cet être fantastique et fantasque. Elle l’avait remercié, appelé, raconté… Trop. Trop de projections, trop de certitudes, trop d’évidences. Alors il fallait se débarrasser de ces oripeaux, accepter sa demande, le laisser cheminer de son côté et bien voir si leurs pas se recroiseraient.
Confiance et lâcher-prise.
Aucune autre alternative, pas de fuite (elle la refusait de toutes façons, ce n’était pas sa manière d’être). Avancer. Se réchauffer au rythme des pas, évoluer, grandir, naître à soi.
Hiberner. Pour elle qui ne supportait pas le froid, c’était une épreuve. Quitter son nouveau cocon, laisser son antre et refuge pour continuer. Aller aussi loin que possible. Ne rien mesurer. Demander. Recevoir. Traiter. Mûrir. Avancer encore. Demander de nouveau. Respirer. Juste respirer, laisser circuler. Pleurer. Évacuer. Tout évacuer, douleur incluse. S’ausculter. Retrouver un infime espoir qui s’était caché dans un recoin. Le prendre, le considérer, le remercier et le mettre dehors. Assainir. Encore et encore. Faire place nette.
Reprendre le processus. Aller débusquer ses leurres jusque dans les tréfonds de ses rêves les plus intimes, éveillés ou pas. affronter cette vérité. Et laisser les signes la guider.

Croire.
En soi. En la Providence. En une flopée de déesses, d’autres femmes incarnées. Chanter. Danser. Boire, manger et rire. S’émerveiller. Se découvrir. Créer. Enclencher la phase alternative. Celle qui accompagne, qui narre malgré tout, qui participe du grand nettoyage en allant chercher des symboles, des éléments, des identités nouvelles.
Émergence.
Mettre dans l’art tout ce qui ne saurait être apuré autrement. Encore. Recommencer. S’obstiner. Balayer, nettoyer, récurer, lustrer, évacuer.
Laisser la Nature remplir ensuite, ne pas choisir, avoir confiance.

Confiance. Confiance. Confiance.

Ce qui vient Est bon. Ce qui Est juste. Ce qui vient, elle le Crée. Jusqu’au Je.
Pour retrouver peut-être une nouvelle dualité.

Et remercier, encore et encore, l’Alchimiste de l’avoir mise sur la voie. De l’avoir recentrée. Réancrée. Quel cadeau. Quel don !
Partir avec, et accepter la réciprocité. Son besoin. Sa coupure. Ses silences, ses creux, ses absences. Pour mieux entrer en soi, en elle et se transmuter encore un peu. Seule.
Pour incarner un jour; peut-être, son féminin.

Potentiel. La graine est plantée. Gratitude.

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