Elle avait été de Lunes en Lunes, brûlant aux quatre vents encens et bougies. Elle avait marché sur les tapis de mousse imbibés d’eau, elle avait été saluer le hongre blanc sous la Lune Rousse, elle avait rendu hommage aux 9 Sages, elle avait parcouru la forêt, traversé les rivières, salué les ondines… Et elle s’était épanchée. Elle avait tout confié, le cœur battant et l’espoir intense, chevillé au corps.
Elle avait poursuivi son chemin, grandit et réfléchit. Le temps filait, au gré des saisons. Elle attendait, oh ça ! La patience elle en avait. Nul doute, c’était un sacré don. Elle noircissait régulièrement cahiers et feuillets, elle lui avait tant écrit que son âme était nue, totalement. Face au silence elle ne cherchait pas : on ne s’entend jamais mieux que sans bruit parasite.
Et puis il y avait eu ce sentiment. Infime au départ, un petit rien. Une supposition, un simple constat. Mais l’évidence était là. La confirmation vint plus tard, sans qu’elle n’apporte rien. Elle s’était observée et son attention s’était alors portée sur tous ces aspects habituellement ignorés. Elle regarda son corps vieillissant, ses mains toujours fines, ses articulations qui manquaient de souplesse, ses cheveux nervés de blanc, son menton qui s’affaissait doucement, les marques qui racontaient sa vie de femme, disséminées ici et là. Ses seins lourds et tombant, sa minceur malgré tout. Mais rien de tout ça ne lui était inconnu, non. Elle en avait dressé la liste et la tenait à jour comme elle tenait ses livres de comptes. Non, ce fut son regard éteint, toute joie morte qui la troubla.
Qui était-il, qui étaient-ils pour lui voler son étincelle de vie ?
Cette question la laissa perplexe. Elle se fit attentive, écouta les récits des autres, croisa leurs témoignages et se rendit à l’évidence : inutile d’en quitter un pour courir après l’autre. Il fallait rompre le schéma, casser cette spirale qui la ramenait encore et encore dans des rets douloureux. Oh certes ! Si brillants, si perlés de douces gouttelettes aux reflets arc-en-ciel, si attractifs : comme autant de miroirs aux alouettes. Mais elle avait traversé le voile, il lui fallait maintenant déchirer la toile dans son ensemble.
Un pas. Un autre. Un stylo, du papier, encore… Et les mots pour chasser les maux. Douleurs. Son âme hurlait, sa louve tournait en rond comme affolée. Se défaire des uns, s’alléger des autres et faire un grand ménage de printemps. Choisir ses proches. Faire de tri, laisser derrière soi les menteurs, les diseurs de bonne aventures. En cas de doute : se relire. La réponse est dans les textes (en vrai, sur ce forum 😉 ) et ne pas oublier : les lignes de temps ne sont pas linéaires, justement ! Celle qui parle peut prendre de la graine de celle qui a parlé. La jeunette disposait également de bon sens, d’une certaine clairvoyance.
Accepter. Pleurer. Lâcher. Complètement. Aller jusqu’au bout. Poster cette fichue lettre et se dire que ça y est, liberté chérie me voilà ! Seule. Absolument, complètement et totalement seule. Mais nulle libération ne vient sans que les attaches ne soient coupées. Toutes les attaches. Et certaines traversent les incarnations semble-t-il.
Alors une nouvelle quête s’amorce, un nouveau défi. Avec encore de l’énergie à déployer, encore des secondes, minutes, heures, jours ou peut-être bien des mois à passer. Se faire à l’idée. Non pas se résigner mais refuser ! Net. Et s’y tenir. Sans s’énerver, sans oublier qu’il y a un fantastique cadeau derrière cela.
Mais bazar, que le prix de la Transformation est élevé.