[27 : Dea Irae]

Elle avait capitulé. Poussée dans ses derniers retranchements, elle s’était rendue à l’évidence : il se jouait d’elle. Oh, il n’en était qu’à demi conscient, lui-même dans les affres d’un choix qu’il ne pouvait faire.
Une petite voix intérieure lui chuchota un secret. Comme elle ne s’exprimait quasiment jamais elle lui prêta d’autant plus d’attention : « Je ne suis pas un plan B ». Le silence se fit. Et elle accepta enfin de demander de l’aide. Ce fut l’enveloppement doux du féminin, la force compatissante et l’ancrage exceptionnel d’une soeurcière qui lui permit que les liens soient tranchés. Elle bascula avec Joie dans les limbes pour s’en relever épuisée, vidée et tout à fait heureuse. Sa gratitude ne pouvait se retranscrire en mots et son cœur chanta. Elle alla s’immerger dans la Nature et plaça une marque. Fait exceptionnel – avec l’accord des Gardiens des lieux sacrés. Elle vibrait d’être seule – enfin vraiment seule ! Sans illusion, sans se raccrocher à quiconque mais en présence d’elle-même. Et elle se trouva belle. Authentique. Pas encore rayonnante mais en chemin, assurément. Se fut remarqué et elle sourit de constater l’accueil du Masculin à Celle-qui-se-soigne. Avec respect et encouragement, distance Juste et bienveillance.
Qu’il était doux de retrouver son propre parfum !

Émanations certes, subtiles assurément mais il lui restait des rites à accomplir : en cela elle avait les outils et les appuis. Restait le moment exact, ce point de bascule qui s’annonçait… Ce ne serait pas pour demain mais elle sentait déjà la vibration de ce seuil et l’initiation à venir. Si elle dansait souvent avec son serpent, il lui fallait contenir son dragon. Son feu s’attisait facilement et elle se méfiait du brasier destructeur. Si elle prisait la spontanéité et avait tissé des attaches solides, elle n’était pour autant pas encore en mesure de le contenir. Or, il s’agissait d’une purification et pas d’une destruction. Renaître à soi, pas se consumer. Nuances, mais le diable se niche dans les détails et il n’était pas question de l’inviter à danser ! Nulle brèche ne pouvait exister, et donc une préparation minutieuse s’initiait, qui demandait de partir en quête de rites oubliés, d’aller interroger les mémoires et de décrypter ce qui devait l’être. Elle comprenait qu’il lui faudrait s’ancrer tout autant que s’encrer : le sceau est indélébile. Il n’y avait pas de retour arrière et il devrait s’assumer.
Inconditionnel soutien donc, avec en ligne de mire l’ouverture des possibilités et une nouvelle voie à arpenter. Elle balaya ses craintes et s’observa.

Le constat était amer et elle admit douloureusement sa pleine et entière responsabilité dans sa situation. Elle en observa les noeuds, en éprouva la solidité et plongea encore dans les méandres, suivant la tige de son lotus intérieur pour sonder les racines cachées dans la vase.
Elle remua les boues, explora à l’aveuglette les radicelles et continua son apnée. Secrets qui n’en étaient plus. Elle remonta à la surface et inspira à pleins poumons entre air pur et bulles des miasmes qui remontaient encore. Elle se sécha aux rayons du soleil, explorant son corps. Au détour d’une caresse, dans un repli jusqu’alors inexistant elle découvrit une trace d’avidité.

Combler le vide. Boucher les trous et surtout ne pas se rendre creuse. Voilà qui en disait long. Que de peurs, que d’angoisses et de projections. Quel miroir implacable face à son ego fanfaronnant ! Elle savait tout en se leurrant, elle se surmaternait en s’excusant de brutaliser son corps pour mieux calmer son esprit, sous couvert d’une séduction tentatrice mal maîtrisée… Il lui fallait réapprendre, reposer le cadre et s’y conformer. Pour avancer. Pour revenir à l’équilibre. Et pouvoir faire jouer la balance, car nulle justice ne serait exacte avec une tare faussée.

Prise de conscience, silences. Points.

Elle créait l’espace méditatif grâce à la répétition. Elle savourait ces moments intenses, hors du temps où elle s’accordait le droit de lâcher, pour ne plus suivre que le mouvement de sa respiration et se bercer dans le geste. Dans l’accord qui en résultait elle savait partir du blanc pour ne pas pouvoir imaginer le résultat. Noir, dans toute sa palette de nuances. Elle en ressortait toujours surprise, rarement déçue. Jamais satisfaite dans l’immédiat. Mais cela n’avait aucune espèce d’importance car rien de ses créations ne lui appartenait : ni le processus, ni le résultat.

Restait à d’accorder le temps et croire. Fort, absolument et se lancer. Point par point. Pas après pas. Battement après battement, au fil du Souffle qui nous relie. Cœur à cœur.
Elle prit son élan et initia le mouvement, sortant du creuset tout en sachant qu’elle y reviendrait bientôt – et s’en réjouissant.

Merci l’Alchimiste. Puisses-tu trouver cette acceptation en toi et parcourir les sentes qui t’appellent vraiment. Peut-être croiseront-elles de nouveau les miennes, ici ou dans une autre Vie.

Retour à l’instant présent : poser le point. Le premier ou le final, qu’importe ! Seule l’ivresse du chemin à parcourir compte désormais…

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