[29 : Ainsi vint le Mat]

A la lisière des sorties, entre les foules raisonnées, les concerts et les visions inattendues, elle l’avait croisé. A plusieurs reprises. D’abord épuisé, puis confondu, retrouvé, grimé et aussi déguisé. Il était partout et nulle part, entre des mondes faits de limbes. Après quelques échanges toujours trop brefs, jamais si évidents, elle s’était sentie en terrain – presque – connu. Qui mieux qu’elle sait s’entourer d’intangible ?

De malentendus en communications entrecoupées de silences non intentionnels, elle avait fini par se faire inviter dans sa tanière. Inversion des rôles, drôles de coïncidences… Pour une jonction très claire. Ce fut à son tour d’arriver lessivée, tendue comme une corde après tant de nuits trop courtes, d’un mental qui n’en pouvait plus de l’éreinter de ses capacités à créer, projeter et inventer. En roue libre, littéralement sans frein d’ailleurs, elle avait opéré les réparations les plus urgentes pour échouer face à un autre archétype. Le Mat, en pleine nuit, n’avait pas joué son rôle. Ou plutôt : si, justement, et se fiant à son intuition elle n’avait rien attendu de lui. Parce qu’il en était ainsi, qu’elle s’assumait et se riait des chemins trop balisés. Bien lui en prit : il s’était éteint avec les dernières lueurs du jour…

Nichée au creux des montagnes, regardant un petit Univers s’éveiller, elle fut notifiée clairement des règles établies. Les neurones pas encore vraiment branchés, elle accepta avec reconnaissance cette rude entrée en matière, pleine de franchise. Sans faux-semblants, sans attentes : un simple constat, factuel au possible. Merci.

Entre véritable vagabonderie, accueil inconditionnel d’animaux heureux des soins reçus et quelques dessins, les échanges se multiplièrent. Mais que dire à Celui-qui-me-connait-déjà ? Quel besoin de paroles quand les évidences s’enchaînent, que les vies se ressemblent, que la maturité est présente ? Trouver les pépites, écouter les richesses glissées avec délicatesse dans les détails. Remercier. Se laisser surprendre encore, apprécier et goûter. Effleurer encore la Sororité, reconnaître sa présence et échanger secrets et regards. S’enlacer, par seul plaisir de ces instants où il n’y a ni rivalité, ni envie, ni besoin. Juste être.

Se poser, croiser les yeux du Bouddha et suivre son regard, de l’autre côté. Se laisser transpercer, poser un dernier point et repartir, descendre à la rencontre du héron. Écouter le clapotis du lac, sourire en voyant les enfants s’amuser et rire. S’enivrer de leur spontanéité, de leur tendresse et s’émouvoir de la rudesse qu’ils rencontrent en d’autres lieux. S’ouvrir encore, profiter du bain de Nature, de ses rythmes merveilleux et apaisants. Faire la paix, lâcher encore et encore… Laisser venir à soi tout ce qui est à nettoyer, à purifier et déposer. Sentir un morceau d’âme s’accrocher aux branches, se baigner dans la boue rouge d’argile, ressortir joyeux pour aller se poser à côté d’un drapeau haut perché et observer les âmes des lieux. Savoir qu’on y laisse quelque chose, une graine peut-être, des graines sûrement. Se demander si l’une ou des autres croîtront et ne pas s’en faire : il en est ainsi de la Vie, elle aime nous surprendre. Ce n’est qu’un des Possibles.

Remercier encore, pour ce moment « hors du temps », cette parenthèse pendant laquelle elle s’est sentie moins freak qu’à l’ordinaire, moins déplacée, moins étrangère… Alors qu’elle était à la croisée des mondes, entre 5 nationalités et plus de langues encore. Où cette tribu chatoyante échangeait avec simplicité et bienveillance, amusant les plus jeunes quand d’une barrière de la langue on se moque comme d’une guigne pour en faire un jeu. Voir en action comment la communication est d’une folle richesse. Écouter le témoignage de celui qui a retrouvé la Confiance après avoir vécu la trahison, entendre les dix années résonner et sonder son cœur pour vérifier qu’il est intact. Couturé, suturé et pourtant palpitant d’une telle sérénité, prêt à donner encore et encore.

Se laisser questionner. Répondre sans filtre et revoir encore son vis-à-vis apprécier à leur juste valeur les paroles échangées. Se sentir acceptée. Réjouissance et départ, savoir qu’une Famille aux mille couleurs est présente. Discrète, bien souvent en marge de tout mais là. Rentrer apaisée, reprendre le cours de sa vie actuelle et se rappeler qu’il y a un « après ». Mais que pour y parvenir, tout se joue dans le Présent.

Laisser filer les heures, reprendre le rythme, ouvrir ses pores pour mieux sentir l’humidité douce de l’automne s’installer. Apprécier la fraîcheur des matinées, flairer les notes et contourner encore la forêt. Entendre l’Appel résonner jusque dans ses tripes. Oui, encore. Parce qu’il est temps, que les visiteurs inconscients sont partis. Se moquer des chasseurs et aller s’ébrouer dans les feuillages, fouler les terres souples et caresser du bout des doigts les branches alanguies. Sentir la sève ralentir et écouter le petit peuple faire provision pour l’hiver. Voir à la lisière de son âme, ne pas chercher des yeux : tout se dévoile à qui sait faire preuve de patience. L’Appel donc, qui ne manque aucun moyen de se signaler.

Être surprise. Alors que la Nouvelle Lune clôt bien des chapitres, qu’un relâchement bienvenu enfin s’installe, avoir un signe. Le sentir si fort, si intensément. S’étonner. Ne percevoir qu’un doux amusement en écho. Et se retrouver dans la persistance… Encore lui, évidemment, lui. Le Mat lui avait fait écho de ses conseils, l’invitant à venir vivre une superbe expérience, déjà suggérée par l’Alchimiste. Sourire de ce que le Masculin Sacré est capable de déployer pour se faire entendre. Dans la répétition, lui aussi dessine des motifs et sait poser les points d’ancrages. Accepter la résonnance. Se retrouver bien enquiquinée quand même… Choisir d’en rire et de ne rien prendre trop au sérieux. Il y a d’autres choses à vivre auparavant, continuer de chérir sa quiétude et sa solitude (choisie et assumée) pour continuer de se rebâtir. Se retourner pour s’apercevoir du chemin parcouru, constater que les larmes sont désormais ponctuelles, que les éléments sont stables et que c’est avec naturel que reviennent les ami.e.s en quête de soutien, de conseils et d’écoute.

Retrouver sa place, se recentrer et se dire qu’à nouveau, il pourra être possible de rayonner. Pour soi, juste pour soi… Rebâtir son monde. Son immédiateté, pour cohabiter avec soi-même. S’avouer que c’est déjà quelque chose, vraiment !

Panser ses plaies (parce qu’il en reste) et reprendre ses aiguilles. Il est désormais temps d’avancer, point par point.

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