Elle débordait sur d’autres surfaces. Ses mots défilaient, filets doux mais présents, abreuvant le fil de ses pensées. Elle revenait pointer des moments-clés, distillant pistes et indices pour une autre compréhension. L’éclairage faisait sens. Le dialogue continu l’abreuvait. Sensations, émotions en découlaient.
Ce soir en regardant les étoiles c’est un rêve prémonitoire qui lui revenait. Destruction de Paris, démarrée dans une gare principale : celle de Lyon. Dans les couloirs de jonction avec le métro. Elle se souvenait des mouvements, des gens, de la foule compacte des heures de pointe. Elle revoyait encore ces jeunes qui distribuaient des journaux gratuits massés sur un quai avec des agents de police. Cette tension palpable et ce sentiment immédiat que « quelque chose » allait se passer. Violence. Cris. Un homme se fait prendre à partie et là, une explosion se fait entendre et un gaz semble se déverser. Mais déjà elle a fait demi-tour. Tout en elle hurle l’urgence de la situation et l’instinct de survie la pousse. Elle court dans les couloirs et suit un groupe posé qui s’enfuit mais ne cède pas à la panique. Les carreaux des murs défilent et c’est l’émergence à la surface. Soulagement, les forces de l’ordre sont là et gèrent les flux de personnes émergeant à la lumière du jour. Attente. Ciel au-dessus de la tête, la bouche de métro continue de déverser du monde. Sentiment d’être une survivante alors que les médias déjà se pressent pour couvrir l’événement. On parle déjà d’attaque terroriste. Glissement, fondu.
Nouvelle scène. La voilà repartie dans le métro. Ah, sensation d’être elle-même, pleine et entière. Paniquée de voir défiler les heures alors qu’elle doit rentrer à son domicile : son amant l’attend. Recherche d’une autre station, la police l’informe que les rames fonctionnent encore sur d’autres lignes. Passage dans la ligne 6 et ses crevées aériennes. Elle regarde deux rames se croiser avant l’entrée d’un tunnel et exploser. Dans l’une, elle reconnait un ami de longue date. Il se fait expulser et meurt écrasé. Son corps est trainé sur les voies. Horreur. Pire, le métro poursuit son chemin, dehors c’est le chaos.
Elle est dans la « bonne » rame, qui continue son chemin à toute vitesse, broyant des humains descendus sur les rails. Traumatisme de sentir les chocs. Fondu encore.
Arrivée au pied de son nid d’amour. Elle réclame qu’ils s’en aillent. Comme bien d’autres ils prennent quelques affaires et descendent de la tour de 14 étages. Dans le ciel ils voient et entendent deux avions de chasse arriver et tirer. La tour s’effondre, ils sont là, stoïques et muets d’effroi, plantés sur les parkings extérieurs. Fuite. Ils le savent : la guerre a commencé. Début de l’errance. Déplacements à pieds, peur, un « petit à protéger ».
Réveil en panique et en pleurs.