[13 : En arpentant les chemins]

Sorcière des villes égarées sur les sentiers boisés, elle s’enivrait des parfums d’épineux lourds, des résines chauffant au soleil d’un printemps finissant. Lézards, papillons multicolores et libellules réalisaient leurs ballets sans même s’écarter d’elle. Ses pas réguliers la menaient en des lieux inconnus – quand bien même balisés – où elle découvrait des paysages familiers mais pourtant jamais perçus ainsi. Le souffle court, elle laissait ses pensées s’égarer et rebondir, comme ces insectes fous pris dans les brises intermittentes. Vidange des tâches de fond, méditation lente et purge des sentiments parasites. Elle écoutait, le cœur grand ouvert. Les signes étaient bien là, jusqu’au crapaud mort et sec. Il avait fallu cela, et les pieds ensanglantés, pour qu’enfin le processus arrive à son terme. Titubante, elle avait été à l’affût de ces lieux secrets : pierres levées et bancs des anciens. Ils se méritaient pour qui n’était pas dans le Secret. Le hasard la conduit en d’autres terres, une fois le silence mental revenu. C’est l’esprit frais et le cœur léger qu’elle entreprit les derniers mètres, sensible aux rires des anciens qui résonnaient dans le village, encore emplie des chaleurs naissantes, riches de ses murmures et des souffles partagés en chemin avec chevaux et chiens.
La lumière dorée et bientôt plombante se faisait traîtresse car accompagnée d’une brise douce. Mais qu’importe, elle était de retour, vivante. Les douleurs ci et là lui rappelaient combien la communion avec Dame Nature devait s’entretenir. Gorgée de ses beautés, soûle de senteurs, les yeux repus de paysages magnifiques, les oreilles encore pleines des chants des oiseaux et des bruits furtifs de petits animaux dérangés alors même qu’ils n’avaient pas été repérés, elle savourait cette Paix intérieure. Oh ! Non elle ne durerait pas, les rêves reviendraient, les images s’imposeraient quoi qu’elle fasse, les bourdonnements se feraient si forts qu’elle n’entendrait plus qu’eux sans pour autant discerner leurs sens – ou sangloterait dans ses draps après qu’ils soient devenus audibles et compréhensibles. Mais pour l’heure le calme régnait, elle se sentait forte, femme, louve, ancrée. Et savourait ces trop rares instants, dont la valeur dépassait l’imaginable.
Tangibles, ces minutes fragiles s’approchaient du Bonheur, celui dont la simplicité dépouillée de tout artifice touchait à la grâce.

Refuge, réconfort et salvation. La solitude, lorsque recherchée et vécue en pleine conscience, lui permettait de ne pas sombrer dans la folie.
Nécessité, tant les signes s’amoncelaient, les temps semblaient s’accélérer et elle sentait les prémices arriver à leur terme. Le basculement arrivait, implacable. Elle l’attendait, confiante. Inéluctable, à quoi bon résister ?
Sans peur donc, mais avec une énergie drainée sans qu’elle n’arrive à réfréner les fuites. Sachant qu’elle en serait témoin, épargnée même si elle devait se trouver dans l’œil du cyclone. Honnête toutefois : la violence qui se déploierait ne pouvait laisser quiconque insensible. Les étapes qui jalonnaient la venue de cette échéance étaient encore nombreuses certes, mais ces derniers mois tant de choses pouvaient émerger en si peu de jours qu’elle avait revu ses affirmations. Au début persuadée qu’elle ne verrait pas la transition de son vivant, elle avait révisé son jugement. Avec révérence, sans s’en réjouir ou s’en affoler : ainsi en serait-il. Voilà tout.

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